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Fin de la trêve hivernale : quel avenir pour les ménages expulsés ?

Alors que la trêve des expulsions locatives prend fin le 31 mars, environ 140 000 personnes[1] sont menacées d’être expulsées de leur logement en 2024 par les forces de l’ordre ou en quittant d’elles-mêmes leur logement sous la contrainte de la procédure, soit l’équivalent d’une ville comme Clermont-Ferrand. La Fondation Abbé Pierre redoute une forte hausse des expulsions à l’avenir, alors qu’elles ont déjà augmenté de 52 % en 10 ans[2].

L’accès au logement est de plus en plus difficile. Le nombre de ménages expulsés s’ajoute aux 330 000 personnes sans domicile fixe, aux 2,6 millions de demandeurs de logement social et aux 93 000 ménages prioritaires DALO non relogés. 

Alors que la puissance publique devrait protéger les personnes les plus fragiles, le vote de la loi Kasbarian - régressive en matière de prévention des expulsions - a fragilisé 30 ans d’avancées dans ce domaine. Le discours qui l’a accompagnée a renforcé la confusion entre locataires en impayés et personnes n’ayant d’autre choix que de squatter, développant ainsi un sentiment de méfiance des propriétaires vis-à-vis des locataires.

La puissance publique ne témoigne que peu de compassion envers les plus précaires. Ces personnes, accompagnées par les répondants de la plateforme nationale « Allô prévention expulsion[3] » et les partenaires associatifs du réseau « Accompagnement aux droits liés à l’habitat », font généralement face à des situations difficiles : fragilités de leur santé physique ou mentale, maladie, perte d’emploi, séparation, méconnaissance et dysfonctionnements d’une administration dématérialisée supprimant parfois leurs ressources[4]

Face à cette réalité, que fait l’État ? La parole et les actes de certains bailleurs privés et préfets sont de plus en plus décomplexés. Bien souvent, les expulsions se font sans proposition de relogement ou même d’hébergement, contrairement aux instructions données aux préfets. D’autres outrepassent même la loi en expulsant sans décision de justice, sur simple arrêté, des personnes qui devraient être protégées. Cela a par exemple été le cas pour le compagnon d’une locataire, après que cette dernière ait intégré un EHPAD, alors qu’il habitait avec elle depuis 30 ans mais n’avait pas été ajouté sur le bail.

Une meilleure prévention et la recherche d’accords permettant par exemple le remboursement des dettes, comporterait un intérêt pour le bailleur comme pour le locataire. Mais de nombreux propriétaires refusent les aides et préfèrent procéder à l’expulsion. Et depuis cette loi, beaucoup moins d’échéanciers ont pu être accordés par le juge. Les ménages sont même désormais pénalisés s’ils restent dans les lieux en fin de procédure, risquant une amende de 7 500€.

Dans un contexte de précarisation croissante des ménages[5], entraînant une hausse des impayés de loyer[6], la Fondation Abbé Pierre appelle l’État à inverser la tendance et adopter une politique volontariste en matière de prévention des expulsions, de production et d’accès au logement afin de protéger les personnes les plus précaires.

[1] Source DIHAL
[2] Source DIHAL : 11 487 expulsions en 2012, et 17 500 en 2022
[3] 0 810 001 505
[4] Voir l’étude Que deviennent les ménages expulsés de leur logement ? Fondation Abbé Pierre, 2022
[5] Plus de 9,1 millions de personnes vivent désormais sous le seuil de pauvreté

[6] Hausse des impayés de 3% dans le parc social au 1er trimestre 2023 ; doublement de la mobilisation de la garantie Visale d’Action Logement entre mai 2022 et mai 2023 (Observatoire des impayés juillet 2023)

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