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Trêve hivernale :
ce qu’il faut savoir

Qu’est-ce que la trêve hivernale ? Que faire lorsqu’elle s’achève ? En quoi la Fondation peut vous aider ?

trêve hivernale

Comment est née la trêve hivernale ?

« Mes amis, au secours. Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à 3 heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée. »

Lancé le 1er février 1954 sur les ondes de Radio Luxembourg, le célèbre appel de l’abbé Pierre marque notamment la prise de conscience de l’opinion publique sur le sort des personnes expulsées de leur logement en plein hiver.

Deux ans plus tard, grâce à l’impulsion de l’abbé Pierre, la loi du 3 décembre 1956 instaurera la trêve hivernale, qui suspendra « toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er décembre de chaque année jusqu’au 15 mars de l’année suivante ».

Qu’est-ce que la trêve hivernale ?

La trêve hivernale est la période durant laquelle les procédures d'expulsion d'un locataire ou occupant sont suspendues. Elle commence le 1er novembre et se termine le 31 mars à minuit. 

C’est  l’article L.412-6 du Code des procédures civiles d’exécution qui prévoit le principe de la trêve hivernale, et ses exceptions sont prévues par les articles L412-6 à L412-8.

Durant ces 5 mois, ceux-ci ne peuvent pas se faire expulser avec les forces de l’ordre de leurs logements ou lieux de vie, même si un jugement d'expulsion a été prononcé à leur encontre par le Juge (sauf exceptions, voir ci-dessous).

Dans certaines circonstances et notamment en période de crise sanitaire, le gouvernement peut décider de prolonger cette période ou de prendre des mesures exceptionnelles en sortie de trêve.

Au cours de la trêve hivernale, le locataire dispose de droits, à savoir :  son maintien et de celui du reste de sa famille dans leur location qui restera chauffée, éclairée avec maintien de l'eau courante (même en cas de factures impayées). Si la loi interdit l’expulsion, elle n’empêche pas le propriétaire d’entamer ou de poursuivre les démarches en vue d’une expulsion, qui pourra intervenir dès la fin de la trêve.

Les lois relatives à la trêve hivernale

Quelques grandes dates : 

- La loi du 3 janvier 1956 qui a instauré pour la première fois une « trêve hivernale »

- La loi Alur du 24 mars 2014 a prolongé la trêve hivernale du 15 au 31 mars 

- La loi Brottes du 15 avril 2023 et le décret du 27 février 2014 ont instauré le principe de trêve hivernale également pour l’accès à l’électricité, au gaz, et à l’eau (la coupure d’eau étant interdite toute l’année). Autrement dit : les fournisseurs n’ont pas le droit de couper ces services pendant toute la durée de la trêve hivernale

- La loi Egalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017 a clairement étendu le bénéfice de la trêve hivernale aux habitants de terrains (lieux de vie informels, bidonvilles), avec cependant des exceptions

- La loi visant à protéger les logements contre les occupations illicites, du 27 juillet 2023, a restreint le bénéfice de la trêve en ajoutant d’autres restrictions.

Qui n’est pas protégé ? 

Il y a des exceptions à l’application de la trêve hivernale : l’expulsion reste dans ce cas possible pendant cette période. Mais il est nécessaire qu’il y ait eu au préalable une décision de justice décidant de l’expulsion (article L411-1 du Code des procédures civiles d’exécution).
Cela concerne : 

- Les situations dans lesquelles un relogement adapté pour le locataire et sa famille est programmé, 

- Les résidents d’un logement étudiant (comme les CROUS – après décision du tribunal administratif)

- Si le locataire ou l’occupant est considéré comme étant de « mauvaise foi » (uniquement si le juge l’a précisé dans sa décision d’expulsion)

- S’il y a eu introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui à l'aide de « manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte » (uniquement si le juge l’a précisé dans sa décision d’expulsion)

- L’époux, partenaire de Pacs ou concubin violent dans le couple ou sur un enfant (dont l'expulsion du domicile familial a été ordonnée par le juge aux affaires familiales par une ordonnance de protection)

- L’époux dont l'expulsion du domicile conjugal a été ordonnée par le juge aux affaires familiales par l'ordonnance de non-conciliation d'une procédure de divorce 

- Seule exception au principe d’une décision de justice préalable : une évacuation peut se faire toute l’année si les locaux font l’objet d’un arrêté de mise en sécurité qui le prévoit (ex péril) ; mais dans ce cas, il doit généralement être prévu un relogement ou a minima un hébergement.

Les droits du locataire

L’expulsion ne peut avoir lieu qu’après une procédure d’expulsion, elle est prononcée par le juge (sauf exception mentionnée ci-dessus).

En cas de résiliation du bail, un commandement de quitter les lieux. À son issue, hors période de trêve hivernale, le commissaire de justice (ex huissier) peut se présenter pour faire une tentative d’expulsion : si le locataire ne répond pas, refuse de partir ou est absent, il ne peut être contraint à partir. Le commissaire de justice devra remettre au locataire un procès-verbal de tentative d’expulsion ou de difficulté. Le commissaire de justice qui se présenterait au domicile du locataire entre le 1er novembre et le 31 mars n’aura pas le droit de tenter l’expulsion. 

En cas d’échec il doit établir un procès-verbal de tentative d'expulsion ou de difficulté, le concours de la force publique sera par la suite demandé à la préfecture. Le préfet pourra alors soit l’accorder, et l’expulsion aura lieu, soit de la refuser et le propriétaire pourra être indemnisé.

Lorsqu’il est accordé, l’expulsion pourra intervenir avec le commissaire de justice, un serrurier, un déménageur…cela peut se dérouler entre 6h et 21h, hors dimanches et jours fériés. 

À partir du commandement de quitter les lieux jusqu’à l’expulsion effective, il est possible de demander un délai au juge de l’exécution par le biais d’une requête. La plateforme téléphonique “Allô Prévention Expulsion” est disponible pour répondre à vos interrogations et vous transmettre cette requête.

Si le propriétaire ou tout autre personne tente d’expulser ou expulse un locataire alors que la trêve hivernale devrait s’appliquer, il peut porter plainte pour expulsion illégale (selon l’article 226-4-2 du code pénal). Cela vaut aussi pour les expulsions même hors trêve hivernale mais lorsque la procédure d’expulsion n’est pas arrivée à son terme.

Les droits du propriétaire

Un propriétaire a le droit durant la trêve hivernale :

- D'engager une procédure d’expulsion en saisissant le juge du fond du tribunal judiciaire ou le juge en référé (procédure d'urgence)

- De bénéficier des exceptions à la trêve hivernale (dispositions en faveur du propriétaire lui permettant de demander la libération du logement en pleine trêve hivernale, voir ci-dessus).

Pour avoir le droit d’expulser un locataire, soit parce que ce locataire ne paie plus son loyer, n’est pas assuré ou trouble le voisinage, soit parce que le propriétaire délivre un congé pour récupérer son bien pour y habiter, le vendre, ou pour un motif légitime et sérieux. Le bailleur doit respecter des règles et une procédure.

Il doit ainsi envoyer un commandement de payer ou un congé en fonction de la situation, puis assigner son locataire devant le tribunal judiciaire ou de proximité selon le lieu d’habitation, qui décidera alors soit de résilier le bail, soit d’accorder des délais, soit de le maintenir dans les lieux.

Comment prévenir les expulsions locatives ?

Même confronté à une procédure d’expulsion, un locataire dispose de plusieurs recours pour tenter de conserver son logement ou obtenir des délais supplémentaires pour quitter les lieux.

L’une des premières choses à faire est de reprendre le paiement du loyer, au moins en partie, et de proposer chaque mois le paiement d’une somme en plus pour régler progressivement la dette, si cela est possible. Et de prendre contact avec le bailleur pour l’informer de ses difficultés.

Il sera possible aussi de proposer un échelonnement du paiement avec le propriétaire ou le tribunal.

Aussi, sachez que certains organismes peuvent vous aider dans ces démarches et même prendre en charge une partie des dettes sous certaines conditions (Fonds Solidarité Logement par exemple).

Mais il est essentiel de connaître ses droits et de se renseigner le plus tôt possible, et d’être accompagné !

Cf. Les Outils de prévention d'expulsion locative

« Allô Prévention Expulsion » 0810 001 505

La plateforme téléphonique de prévention des expulsions est assurée par les bénévoles et juristes de la Fondation Abbé Pierre (service facturé 0.06 euros par minute en plus du prix d’un appel local).

Par ailleurs, la Fondation Abbé Pierre soutient les associations qui accompagnent les ménages dans leurs démarches administratives et juridiques.

La Fondation soutient une cinquantaine d’associations implantées sur tout le territoire et qui proposent un accompagnement des ménages en matière d’accompagnement aux droits liés à l’habitat.

Depuis la création de la plateforme téléphonique “Allô Prévention Expulsion” il y a quinze ans, près de 20.000 ménages ont été informés et conseillés sur leurs problématiques, et orientés vers ses partenaires et les structures à même de les dans leurs démarches.